Chapître 40 : Initiation sacerdotale et initiation royale (pages 254 – 258)
Certains propagent la conception selon laquelle l’initiation sacerdotale et l’initiation royale forment chacune un tout complet de telle sorte qu’on aurait affaire, non pas à deux degrés hiérarchiques différents mais à deux types doctrinaux irréductibles.
L’intention est alors bien claire : il s’agit d’opposer les traditions orientales (de type sacerdotale et contemplatif) et les traditions occidentales (de type royal, guerrier et actif) en s’appuyant sur l’hypothèse fantaisiste d’une tradition méditerranéenne primitive et unique qui n’a probablement jamais existé.
A l’origine, et avant la division des castes, les deux fonctions sacerdotale et royale n’existaient pas à l’état distinct et différencié.
L’une et l’autre étaient contenues dans leur principe commun, qui est au-delà des castes, et dont celles-ci ne sont sorties que dans une phase ultérieure du cycle de l’humanité terrestre.
Les castes sont devenues indispensables à toute organisation sociale car elles représentent différentes fonctions qui doivent nécessairement coexister.
Une société ne peut être composée que de Brahmanes ou de Kshatriyas. Ces fonctions sont forcément coexistantes et hiérarchisées : le Brahmane et supérieur au Kshatriya par nature et parce que la connaissance est supérieure à l’action, parce que le domaine métaphysique est supérieur au domaine physique, comme le principe est supérieur à ce qui en dérive. De là provient la distinction des grands mystères (initiation sacerdotale) et des petits mystères (initiation royale).
Pour être régulière et complète, toute tradition doit comporter à la fois, dans son aspect ésotérique, les deux parties de l’initiation, donc les grands et les petits mystères, la seconde étant essentiellement subordonnée à la première. Mais cette subordination a été niée par les kshatriyas révoltés qui se sont efforcés de renverser les rapports normaux.
Ils ont même parfois réussi à constituer une sorte de tradition irrégulière et incomplète, réduite au domaine des petits mystères, faussement présenté comme la doctrine totale.
Dans ce cas, seule subsiste l’initiation royale, dégénérée et déviée par le fait qu’elle n’est plus rattachée au principe qui la légitime.
Par contre, il est impossible de trouver le cas contraire d’une société où seule l’initiation sacerdotale existerait.
Cela n’empêche pas que, dans l’état actuel des choses, les tendances contemplatives sont plus largement répandues en Orient et les tendances agissantes en Occident.
Mais ce n’est là qu’une question de proportion, et non d’exclusivité.
S’il y a avait une organisation traditionnelle intégrale en Occident (possédant les deux aspects ésotériques et exotériques), elle devrait comme en Orient comporter à la fois l’initiation sacerdotale et l’initiation royale, mais toujours avec la supériorité de la première sur la seconde, et cela quel que soit le nombre d’individus qui seraient respectivement aptes à recevoir l’une ou l’autre de ces deux initiations car le nombre n’y fait rien.
Aujourd’hui, en Occident, on trouve plus facilement des vestiges de l’initiation royale que de l’initiation sacerdotale.
Cela tient aux liens entre l’initiation royale et les initiations de métier et aux vestiges subsistant dans les organisations dérivées de ces initiations de métier.
Rappelons l’existence de grades « chevaleresques » parmi les hauts grades et se superposant à la maçonnerie proprement dite.
Parfois, on voit même reparaître quelque chose de ces traditions diminuées et déviées qui furent le produit de la révolte des Kshatriyas et dont le caractère naturaliste constitue toujours la marque principale.
Ce fut particulièrement important à la Renaissance, mais reste vrai de nos jours, bien que méconnu du grand public et même des spécialistes des sociétés secrètes.
En pareil cas, la prépondérance du point de vue magique est forte de même que les influences émanant de la contre initiation.
La confusion est cependant rendu d’autant plus grande en cette fin du Kali-Yuga à cause du mélange des castes et de la destruction de toute vraie hiérarchie.
Et nous n’en sommes pas arrivés au degré le plus extrême de la confusion ! Le cycle historique, parti d’un niveau supérieur à la distinction des castes, doit aboutir par une descente graduelle, à un niveau inférieur à cette même distinction.
Car il y a deux façons opposées d’être en dehors des castes : on peut être au-delà ou en deçà.
Le premier cas était celui des hommes au début du cycle ; le second sera devenu celui de l’immense majorité dans sa phase finale. Et la tendance au nivellement par le bas est l’un des caractères les plus frappants de l’époque actuelle.
Mais, si la fin d’un cycle doit nécessairement coïncider avec le début d’un autre, comment le point le plus bas pourra t’il rejoindre le point le plus haut ?
Le redressement qui aura lieu se rattache au secret du renversement des pôles et il devra être préparé, même visiblement, avant la fin du cycle actuel.
« Mais il ne pourra l’être que par celui qui, unissant en lui les puissance du Ciel et de la Terre, celles de l’Orient et de l’Occident, manifestera au dehors, à la fois dans le domaine de la connaissance et dans celui de l’action, le double pouvoir sacerdotal et royal conservé à travers les ages, dans l’intégrité de son principe unique, par les détenteurs cachés de la Tradition primordiale. »
Il serait vain de vouloir chercher dès maintenant à savoir quand et comment une telle manifestation se produira et elle sera fort différente de tout ce qu’on pourrait imaginer à ce sujet.
Les mystères du Pôle sont bien gardés
et rien n’en pourra être connu à l’extérieur
avant que le temps fixé ne soit accompli.