Chapître 34 : Mentalité scolaire et pseudo initiation
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Les organisations pseudo initiatiques modernes usent abondamment de comparaisons empruntées à la vie ordinaire, c'est-à-dire à l’activité profane.
On y assimile de prétendues réalités spirituelles à des formes d’activité qui sont à l’opposé de toute spiritualité : on parle de dettes à payer, de leçons à apprendre. Tout est décrit en termes scolaires, ce qui entretient la confusion entre la connaissance initiatique et l’instruction profane.
L’Univers tout entier n’est conçu que comme une vaste école dans laquelle les êtres passent d’une classe à l’autre à mesure qu’ils ont appris leurs leçons. Cela conforte la conception réincarnationniste mais le plus grave c’est la mentalité essentiellement profane inhérente à ces images « scolaires ».
L’instruction profane moderne est l’une des choses les plus antitraditionnelles qui soient.
C’est même l’un des instruments les plus puissants de la destruction de l’esprit traditionnel.
Même sans la déviation moderne, de toutes façons, l’instruction extérieure serait quelque chose de très différent, par sa nature et par sa destination, de ce qui se rapporte au domaine initiatique.
Précisons donc les différences existant entre l’instruction extérieure et l’initiation :
Partons de l’idée que l’on ne peut transmettre à d’autres quelque chose que l’on ne possède pas soi-même : c’est pourquoi il est tellement absurde d’affirmer que le premier initié avait dû s’initier lui-même. Comment quelqu’un aurait il pu se transmettre à lui-même ce qu’il n’avait pas ?
En fait, l’objectif de cette affirmation est de nier l’origine non humaine de l’initiation.
Les grades universitaires ont dû être institués par une autorité d’ordre supérieur dans le cadre d’une véritable extériorisation qui peut être considérée comme une descente dans cet ordre inférieur auquel appartient nécessairement tout enseignement public même organisé sur les bases traditionnelles de la scolastique médiévale.
C’est d’ailleurs en vertu de cette descente que cet enseignement pouvait participer, dans les limites de son domaine propre, à l’esprit même de la tradition.
Cela s’accorde avec ce qu’on sait des caractères généraux du Moyen Age qui a vu la naissance des Universités.
On a très peu remarqué que la distinction des trois grades universitaires est manifestement calquée sur la constitution d’une hiérarchie initiatique (bachelier, licencié et docteur = apprenti, compagnon et maître).
De même, les sciences du trivium et du quadrivium représentaient, dans leur sens exotérique, des divisions d’un programme d’enseignement universitaire mais aussi, par une transposition appropriée, une mise en correspondance avec des degrés d’initiation. : cette division septénaire était en usage dans l’organisation médiévale des Fidèles d’Amour et dans les mystères mithriaques antiques.
Dans les deux cas, les sept degrés ou échelons de l’initiation étaient mis en rapport avec les sept cieux planétaires.
Cette correspondance entre les différents ordres est parfaitement normale mais elle ne saurait impliquer le transport dans le domaine initiatique du système de classes et d’examens propres à l’enseignement extérieur.
Ajoutons que les Universités occidentales ont été, dans les temps modernes, complètement détournées de leur esprit originel : elle n’ont plus le moindre lien avec un principe supérieur capable de les légitimer. Les grades ont été conservés ne sont plus une image extérieure des grades initiatiques mais une simple parodie, de même qu’une cérémonie profane est la parodie ou la contrefaçon d’un rite et que les sciences profanes ne sont plus qu’une parodie des sciences traditionnelles.
Les grades universitaires sont un résidu de ce qu’ils ont été à l’origine comme les sciences profanes sont un résidu des anciennes sciences traditionnelles.
Parlons des examens : ceux-ci ont leur place légitime dans l’enseignement extérieur, même traditionnel où l’on ne dispose d’aucun critère d’un autre ordre.
Mais dans le domaine purement intérieur de l’initiation, ils deviennent complètement vains et inefficaces et ils ne pourraient tout au plus jouer qu’un rôle symbolique, un peu comme le secret maçonnique n’est qu’un symbole du véritable secret initiatique.
Ainsi, les examens sont parfaitement inutiles dans une organisation initiatique tant que celle-ci est véritablement tout ce qu’elle doit être.
Par contre, dans les cas de dégénérescence où personne n’est plus capable d’appliquer les critères réels (par oubli complet des sciences traditionnelles qui seules peuvent les fournir), on y supplée comme on peut en instituant, pour le passage d’un degré à un autre, des examens plus ou moins similaires dans leur forme aux examens universitaires. Comme eux, ils ne peuvent porter que sur des choses apprises.
De même, en l’absence d’une autorité intérieure effective, on institue des formes administratives comparables à celles des gouvernements profanes.
Ces deux choses ne sont que deux effets d’une même cause et apparaissent comme étroitement liées entre elles.
C’est particulièrement vrai dans la pseudo initiation : les théosophistes usent d’images scolaires et conçoivent le gouvernement occulte du monde comme divisé en différents départements qui s’inspirent des ministères du monde profane. Les organisations pseudo initiatiques imitent ainsi les organisations authentiquement initiatiques mais en état de dégénérescence, dans ce qu’elles ont de plus extérieur et de plus dégénéré.
Que l’on considère les organisations initiatiques plus ou moins dégénérées ou les organisations pseudo initiatiques, l’introduction des formes profanes est à l’inverse de la descente qui a présidé à la naissance des institutions universitaires. L’exotérique se modelait alors sur l’ésotérique et l’inférieur sur le supérieur.
Rassurons nous cependant par le fait que, dans l’initiation régulière (même amoindrie et dégénérée), la transmission d’une influence régulière existe toujours malgré tout alors que dans la pseudo initiation, il n’y a que le vide pur et simple.