Chapître 7 : contre le mélange des formes traditionnelles (page 48-52) :
a) unité et diversité des formes traditionnelles :
Dans la tradition hindoue, il y a deux façons opposées d’être en dehors des castes, l’une inférieure (avarna = sans caste au sens privatif), l’autre supérieure (ativarna = au-dessus des castes). Le second cas est rare dans les conditions actuelles alors que c’était le cas normal des hommes de l’époque primordiale.
Analogiquement, on peut aussi être en deçà ou au-delà des formes traditionnelles : l’homme sans religion du monde occidental moderne est situé dans le premier cas tandis que celui qui a pris effectivement conscience de l’unité et de l’identité fondamentale de toutes les traditions est dans le second cas : c’est aussi très exceptionnel.
La prise de conscience effective de cette unité fondamentale des traditions suppose une connaissance théorique et l’adhésion à une forme déterminée à laquelle on se tient strictement tout en s’efforçant de comprendre les autres formes aussi complètement et aussi profondément que possible.
Néanmoins, il est inutile, vain, nuisible et dangereux de faire usage de moyens rituels appartenant en propre à plusieurs formes différentes.
Rappelons que l’initiation est obtenue par le rattachement à une organisation relevant d’une forme traditionnelle déterminée. Elle est un commencement et celui qui la reçoit est bien loin de pouvoir être effectivement au-delà des formes traditionnelles.
Les formes traditionnelles peuvent être comparées à des voies qui conduisent toutes au même but (à condition qu’elles soient complètes, c’est-à-dire à la fois exotériques et ésotériques) mais n’en sont pas moins distinctes.
On ne peut suivre plusieurs voies à la fois et l’on suivra jusqu’au bout celle que l’on a choisie sauf à s’égarer si l’on s’en écarte.
b) celui qui est parvenu au centre :
Seul celui qui est parvenu au terme domine toutes les voies et cela parce qu’il n’a plus à les suivre. Il pourra donc pratiquer toutes le formes parce qu’il les a dépassées et qu’elles sont pour lui unifiées dans leur principe commun.
Celui qui est arrivé à ce stade continuera, à titre d’exemple, à pratiquer extérieurement une forme définie mais pourra, selon les circonstances participer à d’autres formes puisque, au point où il en est, il n’y a plus de différences entre elles.
Pour lui, les formes ne sont plus des voies mais elles subsistent en tant qu’expression de la Vérité Une, que l’on utiliser comme on peut parler en différentes langues pour se faire comprendre (cf signification initiatique du « don des langues »).
Entre celui qui mélange de façon illégitime les formes traditionnelles et celui qui les a dépassées et les domine, il y a la même différence qu’entre le syncrétisme et la synthèse.
L’initié véritable se place au centre commun où aboutissent toutes les formes traditionnelles se rapprochant peu à peu mais ne se confondant jamais.
Une forme traditionnelle devenue incomplète est comme une voie coupée ne menant plus au centre ou devenue impraticable par impossibilité de passer du domaine exotérique au domaine ésotérique.
Vues du centre, les voies sont comme des rayons qui le relient à la circonférence, y compris celles qui ne sont plus praticables jusqu’au bout depuis la périphérie.
Tant qu’on n’est pas au centre, on reste « extérieur », même de sa propre forme traditionnelle, et à plus forte raison des autres qui ne peuvent être d’aucun secours pour son développement spirituel : de nouveau le syncrétisme.
C’est d’autant plus dangereux que l’on sort par là de la théorie et qu’une mise en pratique syncrétique peut entraîner une déviation ou un arrêt de ce développement intérieur que l’on croyait pouvoir être plus facile.
Exemple de celui qui, pour obtenir une guérison, utiliserait plusieurs médicaments dont les effets se neutraliseraient mutuellement ou bien entraîneraient une réaction dangereuse pour l’organisme.
c) risques psychiques du mélange des formes traditionnelles :
Une considération technique s’ajoute à la raison proprement doctrinale s’opposant à la validité de tout mélange des formes traditionnelles :
Le mélange des rites provoquerait un état de désordre et de déséquilibre psychique redoutable à cause de l’exclusivisme des rites les plus extérieurs, c'est-à-dire ceux qui appartiennent au côté exotérique des différentes traditions, tendant à s’exclure les unes les autres.
Plus les voies sont loin du centre, plus leur divergence est grande.
C’est particulièrement vrai des religions qui, placées sur le même terrains, entrent en concurrence sur le plan de leurs ressemblances mêmes.
Le domaine spirituel est le seul où l’on soit à l’abri de tout atteinte parce que les oppositions mêmes n’y ont plus aucun sens. Mais il faut pour cela dépasser le domaine psychique.