Chapître 30 : initiation effective et initiation virtuelle (page 198 -201) :
Le rattachement à une organisation traditionnelle régulière suffit pour l’initiation virtuelle tandis que l’initiation effective implique le travail intérieur qui est le développement en acte des possibilités auxquelles l’initiation virtuelle donne accès.
Il faut comprendre l’initiation virtuelle comme l’initiation au sens strict du mot, c’est-à-dire comme une entrée, comme un commencement. C’est le point de départ nécessaire de tout le reste.
Quand on est entré dans une voie, il faut s’efforcer de la suivre jusqu’au bout. En résumé, entrer dans la voie, c’est l’initiation virtuelle, suivre la voie, c’est l’initiation effective.
Mais beaucoup restent sur le seuil, non qu’ils soient forcément incapables d’aller plus loin, mais par suite de la dégénérescence de certaines organisations devenues uniquement spéculatives et qui ne peuvent donc pas les aider pour le travail opératif, fût-ce dans ses stades les plus élémentaires.
Bien plus, elles ne leur fournissent rien qui puisse leur permettre de soupçonner l’existence d’une réalisation quelconque.
Pourtant on y parle de travail initiatique mais dans quels sens et dans quelle mesure cela correspond il encore à quelque réalité ?
En réponse, nous dirons que l’initiation est essentiellement une transmission, à la fois d’une influence spirituelle et d’un enseignement traditionnel.
La primeur appartient à l’influence spirituelle qui doit logiquement précéder tout enseignement et constitue l’initiation au sens strict au point qu’elle suffit pour l’initiation virtuelle sans qu’il y ait besoin d’ajouter un enseignement quelconque.
L’enseignement initiatique n’est qu’une aide extérieure apportée au travail intérieur de réalisation afin de l’appuyer et de le guider. C’est son unique raison d’être, être le côté extérieur et collectif d’un véritable travail initiatique.
Cependant, les deux sortes de transmission (influence spirituelle et enseignement traditionnel) sont à la fois distinctes et jamais entièrement séparées l’une de l’autre.
En effet, les rites sont essentiellement le véhicule de l’influence spirituelle qui sans eux ne peut être transmise mais les éléments qui les constituent ayant un caractère symbolique, ils comportent nécessairement un enseignement en eux-mêmes puisque les symboles sont précisément le seul langage qui convient réellement à l’expression des vérités de l’ordre initiatique.
Les symboles ne sont pas seulement un moyen d’enseignement extérieur mais aussi de quelque chose de plus car ils doivent surtout servir de support à la méditation qui est le commencement d’un travail intérieur.
Par ailleurs, en tant qu’éléments des rites et en raison de leur caractère non humain, ces mêmes symboles sont aussi des supports de l’influence spirituelle elle-même.
Le travail intérieur serait inefficace sans la « collaboration » de cette influence spirituelle, et cela renforce le rôle des symboles qui donnent à la méditation, dans certaines conditions, le caractère d’un véritable rite permettant de dépasser l’initiation virtuelle et d’atteindre un degré plus ou moins avancé d’initiation effective.
On peut ne pas utiliser les symboles de cette façon et se borner à spéculer sur eux ; il n’est d’ailleurs pas illégitime d’expliquer les symboles dans la mesure du possible et de chercher à développer par des commentaires appropriés les différents sens qu’ils contiennent à condition de se garder de toute systématisation qui est incompatible avec l’essence même du symbolisme.
Mais cela ne devrait être regardé que comme une simple préparation à quelque chose d’autre qui échappe au point de vue « spéculatif » comme tel.
Le point de vue spéculatif ne peut s’en tenir qu’à une étude extérieure des symboles, qui ne saurait faire passer ceux qui s’y livrent de l’initiation virtuelle à l’initiation effective.
On n’en reste d’ailleurs bien souvent aux significations les plus superficielles car pour pénétrer plus avant il faut déjà un degré de compréhension qui suppose tout autre chose que la simple érudition. Encore heureux si l’on ne s’égare pas à côté (comme trouver dans les symboles un prétexte à moralisation, en tirer des prétendues applications sociales, voire politiques qui ne sont ni initiatiques ni même traditionnelles).
A ce moment là, le travail de certaines organisations cesse d’être initiatique, même de façon spéculative et tombe dans le point de vue profane.
Nous ne sommes plus alors dans la simple dégénérescence mais déjà dans la déviation et cela nous permet de comprendre comment la spéculation prise pour une fin en elle-même permet de glisser de l’une à l’autre de façon presque insensible.
En conclusion, tant qu’on ne fait que spéculer, on se trouve enfermé dans une impasse car on ne peut dépasser l’initiation virtuelle.
Celle-ci n’a d’ailleurs pas besoin de spéculation pour exister puisqu’elle est la conséquence immédiate de la transmission de l’influence spirituelle.
L’effet du rite par lequel cette transmission est opérée, est différé et reste à l’état latent. Les considérations théoriques n’ont de valeur réelle, en tant que travail initiatique, que si elles sont destinées à préparer la réalisation. Mais le point de vue spéculatif est incapable de reconnaître cette vérité.