Chapître 36 : initiation et « service » (page 232-235) :
La confusion des organisations pseudo-initiatiques modernes les amène à attribuer une valeur ésotérique à des considérations qui n’ont de sens que dans le domaine purement exotérique.
Une telle confusion est inévitable de la part de profanes qui veulent se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas, ont la prétention de parler de choses qu’ils ignorent et dont ils se font une idée déformée.
Ils sont toujours en accord avec les idées et tendances prédominantes de l’époque actuelle, jusque dans ces variations les plus secondaires.
Subir ainsi les influences du monde profane parait peu compatible avec des prétentions initiatiques, contradiction dont les intéressés ne s’aperçoivent pas.
Nombre de ces organisations pseudo initiatiques faisaient illusion au début par une sorte d’intellectualité qui n’a pas résisté au temps et a fini par se confiner dans les pires banalités sentimentales.
Ce déploiement du sentimentalisme a sa stricte correspondance dans le monde extérieur, avec des formules aussi vides que grandiloquentes dont l’effet relève de la suggestion plus ou moins consciente pour ceux qui les emploient.
Leur ridicule s’accroît encore quand elles servent à des parodies d’ésotérisme.
L’exemple le plus frappant de ces pratiques ridicules et la phraséologie de ces organisations.
Considérons ainsi l’utilisation des mots de service et de serviteurs qui se rattache à la passivité non-initiatique.
Ces mots se retrouvent partout comme une sorte d’obsession dont on peut se demander à quel genre de suggestion ils correspondent.
Il faut ici faire la part de la manie occidentale de l’étalage extérieur de l’humilité, les grands discours sur la fraternité universelle accompagnant les querelles les plus violentes et les plus haineuses.
Cette humilité « laïque » et « démocratique » consiste, non pas à élever l’inférieur dans la mesure où il en est capable, mais au contraire à abaisser le supérieur à son niveau.
Cet « idéal » moderne est essentiellement anti-hiérarchique même s’il recouvre parfois des intentions très louables.
Mais la grande confusion de la pseudo initiation est cette confusion due à la prépondérance attribuée par les modernes à l’action et au point de vue social.
Ils s’imaginent alors que les choses doivent intervenir jusque dans un domaine où ils n’ont que faire en réalité.
Etrange renversement de tout ordre normal où les activités les plus extérieures en viennent à être considérées comme des conditions essentielles de l’initiation, et même comme son but.
Certains ne voient dans l’initiation autre chose qu’un moyen de servir.
Ces activités conçues de la façon la plus profane sont dépourvues de tout caractère traditionnel, même simplement religieux, et se réduisent en fait à un simple moralisme « humanitaire » qui est le fait des pseudo initiés de toutes catégorie.
Il est incontestable que le sentimentalisme sous toutes ses formes dispose toujours à une certaine passivité.
C’est probablement là la raison de la suggestion évoquée plus haut.
En effet, à force de répéter à quelqu’un qu’on doit servir n’importe quoi, même de vagues entités idéales, on finit par le mettre dans la disposition d’être prêt à servir tout ce qui prétendra incarner ces entités ou les représenter de façon plus positive.
Ainsi, les ordres les plus extravagants trouvent en lui l’obéissance d’un véritable serviteur.
La contre initiation y trouve des instruments qu’elle pourra utiliser à son gré. La « suggestion » pourra d’ailleurs être exercée par des vulgaires dupes, instruments inconscients manipulant d’autres dupes.
Quel rapport avec la tradition hindoue qu’on appelle une voie de bakhti ?
Même si celle-ci implique un élément sentimental, elle ne tourne jamais au « sentimentalisme ».
Les Occidentaux traduisent bakhti par dévotion mais cette tradition est dérivée. Il faudrait plutôt traduire par participation. Le service qu’elle implique est le service divin et non le service de n’importe qui ou n’importe quoi.
Rappelons que le service d’un « guru » n’est qu’une discipline préparatoire ne concernant que les aspirants et non point ceux qui sont parvenus à une initiation effective.
C’est le contraire de la prétendue haute finalité spirituelle attribuée au service par les pseudo initiés.
La notion de « service » ne peut non plus être attribuée à l’aide apportée par le supérieur à l’inférieur, ni à la double hiérarchie des degrés et des fonctions des organisations initiatiques.
En conclusion, l’initié n’a pas à être un serviteur, sauf de la Vérité (en arabe, El Haqq, l’un des principaux noms divins).