Chapître 33 : Connaissance initiatique et culture profane
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Gardons nous de toute confusion entre la connaissance doctrinale d’ordre initiatique (même théorique et simplement préparatoire à la réalisation) et toute instruction proprement extérieure, tout savoir profane qui n’a aucun rapport avec cette connaissance.
Finissons en avec le préjugé selon lequel la culture au sens profane et mondain a une valeur quelconque, même à titre de préparation à la connaissance initiatique avec laquelle elle n’a en fait aucun contact.
A quelque degré qu’on l’envisage, l’instruction profane ne peut servir en rien à la connaissance initiatique mais n’est pas incompatible avec elle : c’est une chose indifférente, comme l’habileté manuelle dans un métier mécanique ou la culture physique à la mode aujourd’hui.
Le tout est de ne pas se laisser prendre à l’apparence trompeuse d’une prétendue intellectualité qui n’a rien à voir avec l’intellectualité pure et véritable.
Ne cédons pas non plus à la confusion liée aux tentatives pour établir un lien entre la science moderne et la connaissance traditionnelle.
Celle-ci n’a pas besoin de la caution de celle là car elle repose sur des principes immuables alors que la science n’est qu’une recherche incertaine et tâtonnante.
Il y a donc grand danger à accorder une importance exagérée à ce savoir inférieur (et illusoire) et d’y consacrer toute son activité au détriment d’une connaissance supérieure.
Ainsi, l’instruction profane peut constituer un obstacle à l’acquisition de la véritable connaissance et non être cette préparation efficace qu’on aurait souhaité.
En effet, l’éducation profane repose sur des habitudes mentales dont il est difficile de se défaire par la suite, sauf dispositions spéciales assez exceptionnelles : ainsi, l’étroitesse de vues qui résulte de la spécialisation, la myopie intellectuelle qui accompagne l’érudition cultivée pour elle-même sont de gros inconvénients car les méthodes de la connaissance profane sont la négation même de celles qui ouvrent accès à la connaissance initiatique.
Un autre obstacle est l’infatuation causée par un prétendu savoir, surtout si ce savoir est élémentaire, inférieur et incomplet.
Ainsi, de deux ignorants, celui qui se rend compte qu’il ne sait rien est dans une disposition plus favorable à l’acquisition de la connaissance que celui qui croit savoir quelque chose. Le premier garde intactes ses possibilités naturelles tandis que celles du second son inhibées et ne peuvent se développer librement. Il faudrait aussi que le premier se débarrasse des idées fausses dont son mental est encombré par un travail préliminaire et négatif que l’initiation maçonnique désigne symboliquement comme le dépouillement des métaux.
Ce que l’on appelle habituellement les gens cultivés désigne une instruction limitée et peu solide, une teinture superficielle, une éducation surtout littéraire, purement livresque et verbale, permettant de parler de tout avec assurance, y compris de ce que l’on ignore le plus complètement, et de faire illusion auprès de ceux qui, séduits par ces brillantes apparences, ne s’aperçoivent pas qu’elles ne recouvrent que le néant.
En conclusion (malgré quelques exceptions), la majorité des gens cultivés doivent être comptés parmi ceux dont l’état mental est le plus défavorable à la réception de la véritable connaissance.
Ou ils témoignent d’un manque d’intérêt pour la connaissance ésotérique, ou ils se vantent de leur ignorance de ces choses comme si celle-ci était une marque de supériorité que leur culture est censée leur conférer.
Les gens de cette sorte sont les moins initiables des profanes et il convient de ne pas tenir compte de leur opinion. Ajoutons d’ailleurs à cela que le souci de l’opinion publique en général est une attitude anti-initiatique.
Toute connaissance exclusivement livresque n’a rien de commun avec la connaissance initiatique même simplement théorique.
Ainsi, les orientalistes font preuve d’une incompréhension totale du sujet dont ils prétendent être spécialistes.
On peut cependant prendre les livres comme supports de son travail intérieur et utiliser leur langage de façon symbolique : il ne s’agit plus alors d’une simple étude livresque car, si le fait d’entasser dans sa mémoire des notions verbales n’apporte pas l’ombre d’une connaissance réelle, seule compte la pénétration de l’esprit enveloppé dans les formes extérieures, pénétration qui suppose que l’être porte en lui-même des possibilités correspondantes puisque toute connaissance est essentiellement identification.
C’est cette qualification qui, inhérente à la nature même de l’être, est indispensable pour que les plus hautes expressions de la connaissance initiatique et les Ecritures sacrées de toutes le traditions ne soient pas « lettre morte ».